Sous les cendres de l’Éducation populaire
Dans son livre L’éducation populaire, un phénix toujoursrenaissant, Paul Masson brosse un large panorama de l’éduc pop de 1789 à nos jours. Il n’occulte pas les contradictions de ses acteurs entre ceux qui souhaitent éduquer un peuple ignorant et ceux qui prônent une auto-organisation populaire et émancipatrice de l’éducation. Il est aussi conscient des tentations permanentes de l’État et des dominants qui, selon les époques, « la courtise[nt], la dénonce[nt], la réprime[nt], achète[nt] ses services ». Hormis l’incontournable Condorcet, l’auteur consacre un intéressant chapitre à l’implication des femmes quant à l’essor de l’éducation populaire (EP) dans les années 1830.
Et, il souligne le rôle fondamental des Bourses du travail et des Universités populaires à la fin du 19e siècle. D’autres grands moments de cette éducation sont survolés : le Front populaire, les auberges de jeunesse, Peuple et culture et son projet de « rendre la culture au peuple et le peuple à la culture » et le grand fiasco d’après la Libération où, de facto, les dominants ne voulurent pas d’une éducation émancipatrice. Mai 68, toutefois, mettra quelques coups de pieds dans cette fourmilière endormie. Mais la dérive de l’EP s’accentue tout d’abord socio-culturelle, elle aboutit à « l’étreinte mortelle » de la commande publique et de la subordination qui asphyxie l’éduc pop émancipatrice.
Pour l’auteur, un nouveau départ de l’éduc-pop est possible et nécessaire. Il en veut pour preuve la création d’ATTAC en 1998 ou encore le mouvement MeToo – dont l’appartenance à l’EP est discutable – qui favorise la prise de conscience de l’oppression faite aux femmes ou encore les activités culturelles dans la ZAD.
Renouveau dont il fait un long développement qui mériterait débat. Un regret, rien sur la réémergence des Universités populaires depuis 2000 ou sur la trahison de certaines grandes fédérations d’Éduc pop dans l’encadrement du SNU.
Enfin, au cours de l’ouvrage, les valeurs et quelques éléments de réflexions et de mises en pratiques de l’éduc-pop, qu’il n’est jamais inutile de rappeler, sont évoquées
L’ouvrage, d’une lecture facile, s’adresse selon moi plutôt à des lecteurs et lectrices qui souhaitent découvrir l’éduc pop. On peut néanmoins regretter quelques raccourcis, peut-être nécessaires, mais qui obèrent parfois de grandes réalisations, comme par exemple, la coopérative du cinéma du peuple.