Une Université qui se délite ?

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Une Université qui se délite ?

 

Avant d’évoquer le projet inégalitaire porté par Macron pour l’Université publique, il convient de rappeler quelques évidences. Certes, l’Université depuis les années 1970 est plus accessible aux jeunes des couches populaires mais en règle générale leur parcours ne sont pas de même nature… cursus plus courts, accès difficile ou compliqué aux filières dites d’excellence qui de fait ne visent qu’à former et conformer les petits chefs de cordée.

De plus depuis fort longtemps la bourgeoisie s’est organisée quelques pré-carrés comme l’université de  Paris-Dauphine où les résidents des beaux quartiers pataugent tout à leur aise ou comme sciences-po, Normale-sup Paris ou encore Polytechnique et quelques autres établissements de prestige souvent privés et coûteux. De plus, les rejetons les plus aisés vont souvent terminer leur initiation d’exploiteurs sur les grands campus étasuniens afin d’affiner leur amour et leurs pratiques du libéralisme économique.

Le mythe d’une égalité, quant à l’accès à l’enseignement supérieur, est de fait un mythe bien réel qu’il est important d’alimenter pour que les crédules continuent d’adhérer au système. La reproduction bourdieusienne des héritiers ne fut donc jamais vraiment menacée même si l’appareil de production/exploitation a plus besoin aujourd’hui qu’hier de têtes bien pleines. Enfin, au regard des statistiques d’échec – 50 % dans les premières années – il apparaît que ceux et celles qui échouent sont bien souvent d’origine modeste. Ils ont un bac pro qui ne les a pas préparés aux méthodologies du travail universitaire, ils sont étudiants-travailleurs – un étudiant sur deux -, ils « repiquent » plus souvent et ils habitent rarement en centre ville… en bref, l’université à deux vitesses est bel et bien une réalité. La démocratisation de l’enseignement supérieur fut toujours en trompe l’œil et visait au mieux à fournir l’état et le capital en main d’œuvre plus ou moins qualifiée.

Quant au projet Macron, il ne vise qu’à parfaire le dualisme universitaire entre université pour riches et université pour pauvres en préservant toutefois la possibilité d’extraire des couches populaires ses « meilleurs éléments » afin de les domestiquer et d’en faire des soldats zélés du système qui les aura promu. Vieille pratique que celle-là… on promouvait le paysan en instituteurs dans les années 1930, l’ouvrier qualifié en contremaître suite à la loi sur la promotion sociale de Debré après 1959, le syndicaliste bienveillant et réformateur [lire docile] depuis les années 1980. Un coup de clairon méritocratique par là-dessus suffisait pour que le tour soit joué et la règle révolutionnaire du refus de parvenir oubliée.

Pour en revenir au projet de la ministre Frédérique Vidal, il devrait mettre fin à la scandaleuse pratique du tirage au sort dans les filières très demandées mais à quelles conditions ? Il vise aussi à mettre en place des parcours personnalisés, soit, mais à quelles conditions et pour qui ? Tout cela est bien flou. Ce qui l’est moins se sont les risques de sélections dès le lycée où les profs devraient voir leur rôle de « conseil » renforcé afin de rendre plus lisse voire plus acceptable une orientation « bienveillante » renforcé par l’examen des dossiers de candidature des lycéens dans les établissements du supérieur. Examen sur dossier et définitions d’attendus, en d’autres termes de pré-requis, pour intégrer telle ou telle filière et de fait prétexte à refuser certains profils. Habile, mais il ne s’agit-là que d’un recul tactique.

Le projet de loi prend soin d’éviter les termes de « sélection » et laisse le soin de l’écrémage aux universités souveraines.  L’inscription en premier cycle (Licence) pourra être conditionnée par l’acceptation par le futur étudiant de s’engager dans un dispositif d’accompagnement personnalisé proposé par l’université d’accueil. En d’autres termes, la double, voire la tripe peine pour certains étudiants : « attendus » inaccessibles à dessein, cursus plus lourd qui peut rendre tout travail salarié impossible, durée des études allongées difficile à supporter par les familles les plus modestes.

Et partant, des études supérieures plus inégalitaires qu’aujourd’hui. Mais qu’on se rassure, comme par le passé, le processus est le même, il restera pour les plus modestes les filières courtes pour subvenir au besoin de Medef et lui fournir une main-d’œuvre qualifiée à moindre coût. Quant au nouveau logiciel de préinscription à l’université, on en reparlera après les bugs.

A l’avenir, probablement le projet d’une université à deux vitesses sera encore renforcé. Nous n’en sommes qu’au premier acte. Et peut-être, à terme, dans la tête du très élitiste et libéral Macron un modèle à la sauce étasunienne. A savoir, des universités publiques sous dotées en moyens pour les couches populaires et des établissements d’élites privés avec des frais pédagogiques exorbitants favorisant le recours au prêt étudiant et à son corolaire l’endettement à vie et l’enrichissement des banques. L’éducation est bien devenue une marchandise et comme pour la consommation alimentaire,  Lidl et la malbouffe pour les uns, Fauchon et les bulles pour les autres.

 

 

 

 

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