Voyage en éducation populaire
C’est à quoi nous invite Michel Héluwaert, dans la réédition, son ouvrage Pour l’éducation populaire. Il dresse un large panorama de l’éduc pop depuis ses créations multiples et variées tant laïque que cléricales. Il rappelle que les Bourses du travail autour de l’anarchiste Fernand Pelloutier et les Universités populaires de G.Deherme et G.Séailles en furent les tout premiers jalons. Il note aussi que trois courants la portèrent, un courant laïc-républicain, un courant religieux et un courant révolutionnaire et socialiste.
Néanmoins, tous ces acteurs lui confèrent comme mission une prise de responsabilité sociale de ses militants, voire une dimension émancipatrice radicale pour quelques-uns de ces fondateurs. Comme le souligne l’auteur,
« Chaque église, chaque parti, chaque tendance cherche à disposer de sa jeunesse et son mouvement de jeunesse : un vivier qui l’aidera à se développer ».
Malgré les permanentes tensions entre laïcs et cléricaux, tous ces mouvements engagèrent une réflexion sur l’éducation et la pédagogie souvent plus ouverte et moins contrainte que celle pratiquée dans les écoles casernes de la République et des clergés.
Au fil des pages sont évoquées toutes les structures qui à un moment ou un autre développèrent des tentatives de cultures ouvrières et d’agit-prop : à savoir les patronages laïques, la Ligue de l’enseignement, les auberges de la jeunesse, les colos de vacances, les ciné-clubs, les CEMEA (centre d’entrainement aux méthodes actives), Peuple et culture, les MJC, etc. De plus, l’auteur nous livre quelques pages édifiantes sur les dérives et les détournements fascistes de Vichy et des chantiers de jeunesse qui ne sont pas sans nous rappeler le contemporain SNU (Service national universel) et le retour de l’uniforme à l’école.
Il passe donc en revue, quelquefois de manière un peu réductrice, l’ensemble des institutions d’Éducation populaire, des plus conservatrices aux plus émancipatrices. L’ouvrage se termine sur un constat amer et critique, depuis années 1950 ; les valeurs fondatrices et les pratiques de l’éduc pop ont été dévoyées.
Un ouvrage qui permet une première découverte très didactique de la galaxie Educ pop, mais il conviendra pour les lecteurs et lectrices du Monde libertaire de compléter ce voyage par d’autres analyses plus radicales, celles de l’auteur étant trop souvent marquées par une sensibilité sociale-démocrate.