La Commune de Paris et l’Éducation

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La Commune de Paris et l’Éducation

 

De nombreux textes ont été produits sur La Commune mais ils n’ont pas toujours insisté sur la conception des Communards en matière d’éducation. Ce bref article tentera de rappeler les grands principes et les débuts de réalisation scolaires durant de la Révolution parisienne.  

 

L’éducation fut, bien avant La Commune, un sujet important dans le monde de ceux qui s’intéressaient à la question sociale. Intérêt pour l’éducation qu’un futur Communard, G. Lefrançais, avait déjà manifesté avec P. Roland et Pérot. Suite à la Révolution de 1848, ils publièrent un Programme d’enseignement de l’association fraternelle des instituteurs et professeurs socialiste qui attira sur eux la répression pour outrage à la morale, à la religion, à la famille… et à la propriété.

Les Communards s’attelèrent très tôt à la question de l’éducation et engagèrent de nombreuses réalisations. La tâche était immense et stratégique. A la veille du 18 mars 1871, seuls 60 % des enfants d’âge scolaire de Paris étaient inscrits dans les écoles communales ou congréganistes. En outre, 32 % des enfants n’allaient dans aucune école.

 

Dès après les élections, La Commune mit en place une Commission de l’enseignement. Elle en confia l’animation au blanquiste E. Vaillant. Dans cette Commission siégeaient entre autres, J. Vallès, G. Courbet, J.-B. Clément. Vaillant ne put, faute de temps, laisser de réformes significatives  même si dans de nombreux arrondissements des initiatives populaires furent mises en œuvre. Sur le plan des principes, il n’en fut pas moins un précurseur : il s’efforça de hâter la transformation de l’enseignement religieux en enseignement laïque. Les bases d’un enseignement technique et d’un enseignement féminin furent jetées.

 

Le mérite de la révolution pédagogique engagée par la Commune ne revient pas à cette seule commission. En effet, de nombreux militants d’arrondissements s’impliquèrent, en particulier ceux de la société de l’Éducation nouvelle. On y préparait des réformes à opérer dans les lois, méthodes et programmes de l’enseignement. Les membres de la société l’Éducation nouvelle lurent une déclaration le 26 mars 1871. « A La commune de Paris, Considérant la nécessité qu’il y a sous une république à préparer la jeunesse au gouvernement d’elle-même par une éducation républicaine […]. Considérant que la question de l’éducation, […] est la question mère qui embrasse et domine toutes les questions politique et sociales et sans la solution de laquelle il ne sera jamais fait de réformes sérieuses et durables ».  

Bien avant les lois Ferry, La Commune fit donc de la laïcité et de la gratuité de l’école une revendication essentielle. Elle décrète dès le 2 avril 1871 la séparation de l’Église et de l’État et la suppression du budget des cultes.  La liberté de conscience est par contre affirmée. Une école pour tous les enfants est au cœur du projet de La Commune. Elle implique la gratuité et la laïcité et son obligation afin qu’elle devienne un droit à la portée de tout enfant quelle que soit sa position sociale.  

 

Si La Commune se révèle tolérante à l’égard du fait religieux celui-ci doit être strictement cantonné en dehors de l’école. La Commune a pour devoir stricte de veiller à ce que l’enfant ne puisse à son tour être violenté par des affirmations que son ignorance ne lui permet point de contrôler ni d’accepter librement. Si la religion est bannie des établissements scolaires, la science devra y prendre tout sa part.  L’enseignement véritable est l’enseignement qui, dans le domaine de la science ne s’inspire que des faits constatés, indiscutables. Il s’agit donc de développer un enseignement rationnel, matérialiste et scientifique. Dans le 4e arrt, une commission où siège Lefrançais affirme que c’est surtout dans l’école qu’il faut apprendre à l’enfant que toute conception philosophique doit subir l’examen de la raison et de la science. Pour la Société de L’Éducation nouvelle « la qualité de l’enseignement [sera] déterminée tout d’abord par l’instruction rationnelle, intégrale qui deviendra le meilleur apprentissage possible de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique ou sociale ».

Au-delà, du principe de laïcité et de l’éducation, la société l’Éducation nouvelle dans se déclaration déjà évoquée « émet en outre le vœu que l’instruction soit considérée comme un service public et qu’en conséquence, elle soit gratuite et complète pour tous les enfants des deux sexes ». Si une telle revendication apparaît si présente, c’est qu’aux yeux des Communards, l’éducation en générale et celle des filles en particulier est un enjeu stratégique pour le devenir de la société en construction. Ainsi le rédacteur du journal Le Père Duchêne revendique « une bonne et solide instruction aux femmes […] parce que […], c’est sur les genoux des citoyennes que nous recueillons nos premières idées ».  

 

Dans bien des arrondissements les réalisations furent spectaculaires. Dans le 11e, 12.000 élèves pauvres sont scolarisés et la laïcisation est complètement terminée . Dans le 3e, les parents sont informés que pour les élèves toutes les fournitures nécessaires seront données gratuitement par les instituteurs. Si la Commune s’inquiéta de l’éducation de tous, les modalités pédagogiques des apprentissages ne furent pas interrogées au risque de la reproduction des modèles anciens.  Néanmoins, quelques voix se firent entendre pour que de nouvelles approches pédagogiques voient le jour en particulier la pédagogie « intégrale » afin de rendre les travailleurs autonomes et indépendants tant du point de vue économique qu’idéologique. Un manieur d’outil devrait pouvoir écrire et lire un livre. A cette fin fut mis en place un début enseignement professionnel quasi absent du paysage éducatif. A la suite de P.-J. Proudhon, l’éducation doit ambitionner de faire de « chaque élève un ouvrier complet » c’est-à-dire en mesure d’œuvrer et de penser. Dès le 22 mai 1871 s’ouvrirent tant pour les filles que pour les garçons, des écoles professionnelles. La première dans le 5e, rue Lhomond. 

 

La Commune fit aussi œuvre d’éducation populaire. La Sorbonne ouvrit ses portes aux conférenciers de l’Association philotechnique fondée en 1848. Dans le 13e arrondissement, fut créée une bibliothèque communale avec lectures et conférences populaires. Quant aux théâtres, ils furent aussi considérés comme un moyen d’éducation populaire. Comme après 1789, des clubs « d’éducation populaire » virent le jour. « On était sous les armes le jour, on allait le soir s’éduquer au club ». Des réunions révolutionnaires s’étaient installées dès la fin avril, dans presque toutes les églises des quartiers populaires. De leur côté les femmes s’emparèrent de Notre Dame de la Croix, de Saint-Lambert de Vaugirard… 

 

Le projet d’éducation porté par les Communards est à l’évidence émancipateur. Comme le souligne J. Rougerie pour les Communeux, l’éducation n’est pas seulement destinée à acquérir des connaissances. Elle ne doit donc pas satisfaire la seule dimension utilitariste du travail et d’une citoyenneté minimum.

 

Sources :

Chauvet P., 1971, La Commune de Paris, la culture et l’éducation, La Rue, n° 10.

Déclaration de la Société de l’Education nouvelle, 26 mars 1871.

Dommanget M., 1971, La Commune, Bruxelles, Editions La Taupe, plus particulièrement les pages 218-225.

Lenoir H., 2017, La Commune et l’éducation libertaire suivi de Guillaume, pionnier d’une pédagogie émancipatrice, Paris, Ed. du Monde libertaire.

Rougerie J., 2004, Paris libre 1871, Paris, Seuil.

Site des Amis et Amies de la Commune de Paris, http://www.commune1871.org/

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