Affinités électives

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RECHERCHES ET INNOVATIONS EN FORMATION Sous la direction de Hugues LENOIR et Edmond Marc LIPIANSKY Affinités électives

Hugues Lenoir1

Même si la relation entre Jacques Pain et moi ne fut jamais du registre de l’intimité, j’ai toujours senti ou cru qu’entre lui et moi se jouait quelque chose au-delà des mots. Une sorte d’affinité liée à la sensibilité libertaire de Jacques et à sa bonhommie rabelaisienne. Ma découverte de Jacques est bien antérieure à notre rencontre à l’université de Nanterre.

Elle remonte à ma lecture post 1968, alors jeune militant anarchiste déjà préoccupé d’éducation, de Chronique de l’école caserne qu’il publia avec Fernand Oury chez Maspero en 1972. Ouvrage dans lequel et auteurs avec lesquels je partageai une analyse critique du système d’éducation autoritaire dont je sortais à peine. Livre qui orienta possiblement tout un pan de mon travail universitaire et militant.

Notre rencontre physique fut bien plus tardive. En 1988, je suis embauché au centre d’Éducation permanente (CEP) de l’université de Nanterre où Jacques est en poste en Sciences de l’Éducation. Je ne sais plus comment elle se fit, ni quand ; sans doute en 1989-90, ni même à l’initiative de qui. Est-ce Jacques qui me contacta, est-ce moi ? Qu’importe. Cependant, je me souviens très bien du lieu et des circonstances.

Elle se fit à la table d’un petit restaurant qui alors se trouvait au pied de l’ancienne gare de RER de Nanterre-la-Folie, lieu évident à son sens. Après quelques échanges, il me proposa, compte tenu de mes expériences professionnelles antérieures, d’écrire pour les Éditions Matrice un petit ouvrage sur l’éducation des adultes. Ouvrage qui ne fut d’ailleurs jamais rédigé.

Quant à mon évolution professionnelle, il y fut très largement associé.

Président de mon jury de Thèse à Lyon II, sous la direction de Philippe Meirieu, je me rappelle, malgré ma crainte légitime de cette épreuve d’évaluation sommative, la manière cordiale, bien que rigoureuse, de son questionnement sur mes travaux intitulés Contradictions sociales et formation en 1998.

Compte tenu de mon parcours atypique, malgré une thèse récente, il accepta de m’accompagner sur la base d’autres travaux vers l’habilitation à diriger les recherches (HDR) que je soutins en 1999 à Paris X et consacrée à L’illettrisme : un objet social et de recherche en construction.

Il convient ici de souligner combien Jacques dut batailler fermement pour soutenir et obtenir, du fait de mon parcours quelque peu atypique, l’accord du département de Sciences de l’éducation quant à ma candidature à cette HDR.

En effet, ce département réputé de gauche, dans un champ disciplinaire récent et toujours menacé, était à l’époque, sans doute par souci de reconnaissance scientifique et ministérielle, en phase de raidissement académique. Du reste, sa détermination l’emporta et avec elle, naquit une amitié accrue de ma part envers Jacques.

Par la suite, nous entretînmes une relation cordiale, voire amicale, qui aboutit, quelques années plus tard et à ma demande, à des interventions ponctuelles de Jacques au CEP que je finis par diriger.

En 2001, sans directement participer au colloque du CEP, cette année-là, sur le thème de la recherche et de l’innovation en formation des adultes, il accepta de donner une contribution à ses actes intitulés Pédagogie institutionnelle et formations des enseignants2.

Enfin, il m’accueillit dans le laboratoire de recherche qu’il pilotait où j’en conviens, ma participation fut assez irrégulière. En bref, des affinités et une amitié bien réelle, bien que discrète, je crois nous liait. La rencontre fut sans doute possible du fait de son « esprit libertaire » signalé plus haut, de son écoute et de son absence de dogmatisme.

Peut-être d’ailleurs, comme le pensait Charles Fourier, les attractions sont-elles proportionnelles aux destinées… mais comment l’affirmer lorsque l’un n’est plus.

1 Enseignant-chercheur émérite à Paris-Nanterre, membre du LISEC EA 2310.

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