Le facilitateur/tuteur

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Introduction

Ce texte était intitulé dans une première version Le tutorat et ses effets. Titre qu’il convient de modifier afin d’interroger la notion même de tuteur qui semble, à mon sens trop directive et autoritaire. En effet, il existe deux acceptions de tuteur selon le dictionnaire Le Robert. La première renvoie à « une personne chargée de veiller sur un mineur ou un incapable majeur, de gérer ses biens, et de le représenter dans les actes juridiques. Le tuteur et son pupille ». Dans ce cas, l’apprenant est mis sous tutelle et perd toute « personnalité pédagogique » voire toute capacité d’initiative et d’autonomie. La deuxième définit le tuteur comme une « tige, armature fixée dans le sol pour soutenir ou redresser des plantes ». Le tuteur a ici une fonction, certes de soutien, mais aussi et surtout « orthopédique » qui vise à redresser la plante, dans notre cas d’espèce le « tutoré-apprenant ». Il va de soi qu’il convient de se demander s’il est bien légitime d’accepter une telle posture qui, là encore, risque de freiner la motivation et l’apprentissage de la personne ainsi accompagnée en lui proposant, imposant « une ligne » de conduite pédagogique sans regard critique. Enfin, il existe une troisième définition : « enseignant qui suit et conseille un élève ». Définition acceptable, mais trop succincte sur la nature de ce suivi et de ce conseil.

Après avoir rappelé le rôle et les missions du facilitateur/tuteur1 dans le cadre d’une brève définition, je décrirai les effets que la facilitation-tutorale peut produire, tant sur l’apprenant, que sur le facilitateur/tuteur lui-même et l’organisation dans laquelle il exerce. Compte tenu de la dimension de ce texte, je serai quelquefois concis au risque d’être réducteur, car les questions abordées ici nécessiteraient de bien plus larges développements.

Facilitateur/Tuteur et alternance

Dans le cadre des formations en alternance, en particulier depuis le début des années 1980, le facilitateur/tuteur apparaît, dans le champ de la pédagogie, comme un nouvel acteur. Il apparaît rapidement que pour le bon fonctionnement des dispositifs alternés, le facilitateur/tuteur doit être un partenaire à part entière dans les dispositifs dans lesquels il s’inscrit. Cet acteur dont la tâche essentielle a pour objectif principal une concrétisation de compétences et de connaissances en cours d’acquisition. il doit « également (…) permettre aux jeunes d’être mis en situation de travail réel”1.
La facilitation tutorale « ne consiste pas seulement à participer à la production de compétences, mais aussi à d’organiser un parcours du jeune dans l’entreprise favorisant les acquisitions et mises en relation, c’est-à-dire une intellectualisation des actes de travail, laquelle serait de nature à favoriser la construction de savoirs expérientiels »2. En d’autres termes, il a pour fonction d’aider à la mise en rapport de la compétence et des savoirs associés qu’elle mobilise dans une situation réelle. Au-delà, il doit veiller à la contextualisation-décontextualisation des savoirs et de la compétence afin que ceux-ci soient utilisables et transférables dans d’autres contextes et d’autres situations professionnelles, voire sociales.

Dans ce cadre, le facilitateur/tuteur a trois fonctions :

– Une fonction de socialisation et d’insertion

Elle consiste à veiller à l’acquisition du langage, des savoirs sociaux, des comportements, des attitudes et des postures professionnelles, à faire repérer les contraintes et les règles de l’organisation… voire les valeurs et l’éthique de la profession. En bref, il est le principal vecteur de la culture du milieu.

– Une fonction d’aide à l’acquisition de connaissances3.

Elle consiste à faire acquérir les savoir et savoir-faire du métier, des capacités de communication et quelquefois des savoirs théoriques en lien avec les situations de travail dans le cadre d’une concertation pédagogique mise en place dans le cadre d’une alternance intégrative avec les formateurs.

– Une fonction d’évaluation

Elle consiste à aider l’apprenant à mesurer l’écart entre sa pratique et celle d’un professionnel, sa progression, sa capacité à mobiliser les outils du savoir en situation de travail, son intégration au milieu.

Soulignons que si le facilitateur/tuteur a un rôle essentiel dans la pédagogie de l’alternance, la démarche tutorale doit demeurer une mission circonscrite et ponctuelle, que le facilitateur/tuteur doit rester un « producteur » de plein pied dans sa spécialité et qu’être facilitateur/tuteur est une fonction complémentaire, non un métier. On s’accorde, en général, à considérer que le facilitateur/tuteur constitue pour l’apprenant un référent professionnel, éventuellement parmi d’autres. Pour que la fonction tutorale prenne tout son sens et que le facilitateur/tuteur puisse assumer pleinement sa fonction, il va de soi que la formation doit fonctionner sous le mode d’alternance « copulative »2 ou intégrée, réelle, où il y a « co-pénétration », dialectique entre la sphère professionnelle et la sphère formative, où les deux contextes participent et enrichissent l’apprentissage. Elle implique que les deux milieux se connaissent et se reconnaissent et qu’ils développent conjointement une dynamique éducative. Elle implique que l’entreprise s’accepte et soit acceptée comme lieu d’apprentissage et de production de savoir. Elle impose une réelle coopération pédagogique entre les acteurs de laquelle l’apprenant ne doit pas être exclu. L’alternance est en effet une forme de métissage culturel 4, entre la culture d’entreprise et la culture de lieux d’éducation. Elle requiert donc : “la capacité des acteurs et des organisations à partager le pouvoir de former “5

1 Cette référence au facilitateur est à entendre au sens de Carl Rogers dans Liberté pour apprendre.

2 Au sens que lui attribue Francine Vincent dans un texte fondateur.

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