Professeurs de toutes les écoles, unissez-vous
Frédéric Grimaud nous décrit dans son essai un processus enclenché depuis les années 1990 et poursuivi avec zèle par tous les ministres de l’Éducation qui se sont succédé depuis.
C’est la mise en place, au fil des ans, d’un mouvement de taylorisation des « blouses grises », en d’autres termes des professeurs des écoles, qui transforme petit à petit les enseignants en nouveaux prolétaires.
Tous les éléments malsains d’un nouveau management se conjuguent aujourd’hui pour précariser, déqualifier (malgré l’inflation des diplômes) le corps enseignant.
Il faut, en effet, à la suite aux recommandations de l’OCDE rationaliser l’activité des profs, augmenter leurs performances, unifier leurs pratiques et leur faire accepter ou plutôt les soumettre aux injonctions des neurosciences et du tout numérique :
Avec en corollaire, la dégradation des conditions de travail et des risques psychosociaux accrus.
Le tout associé à un renforcement de la hiérarchie, le chef d’établissement devient un manager, voire un chef d’entreprise qui pourra bientôt (une expérience est en cours à Marseille) recruter « son » équipe pédagogique sur profil et individualiser les salaires.
Autant de mesures qui visent à faire perdre aux profs le pouvoir sur leur propre travail en normalisant par le haut de « bonnes pratiques » sans cesse évaluées et sans cesse comparées, à base de tableaux Excel, aux résultats des collègues ou des autres établissements.
Logique néolibérale de mise en concurrence les individus et les structures dont l’objectif, à peine dissimulé, tend à faire disparaître les résistances collectives et de faire de tout un chacun « l’entrepreneur de lui-même » voire son propre fossoyeur.
Il s’agit donc pour les ministres de « transformer le travail, pour transformer les enseignants » afin sans doute de formater les enseignés. La machine à décerveler est en marche, qu’on se le dise.
En bref, au-delà de prolétariser les acteurs de l’éducation, le pouvoir s’ingénie à en faire une machine à produire, par des individus soumis, les compétences attendues pour les très puissants lobbies qui dominent et dirigent le « monde du travail ».
Mais face à la prolétarisation, la répression et la perte du sens du travail, la résistance est essentielle à la préservation de la liberté pédagogique. Le syndicalisme et les mouvements pédagogiques y œuvrent depuis un siècle.
Hugues, Groupe Commune de Paris
Grimaud-Monde-libertaire-n°1860-avril-2024
Grimaud Frédéric, 2024,Enseignants, les nouveaux prolétaires, Paris, ESF.