Extrait
« L’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique d’Etat à Paris »
A l’initiative du Réseau AVEC de Paris
Étude réalisée par l’Association LA BOUCLE
Sous la direction d’Hugues Lenoir, enseignant – chercheur à Paris 10
Thierry Benoit
Gilles Verdure
Avec la collaboration de Chrystel Breysse (EDC)
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier toutes celles et tous ceux qui ont permis que cette étude puisse se réaliser : les correspondantes et les correspondants du réseau AVEC 75 qui on participé à l’élaboration du guide d’entretien, les agentes et les agents qui ont bien voulu répondre aux interviews, les personnes qui ont réalisé et décrypté les entretiens, Jean-louis Léger, Directeur des Affaires Economiques et Sociales de la préfecture de Paris et Jocelyne Mongellaz, Chargée de mission départementale aux Droits des Femmes et à l’Egalité de Paris sans qui ce travail n’aurait pas pu aboutir.
Enfin, des remerciements particuliers à Catherine Morbois, Déléguée régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité d’Ile-de-France qui a initié les réseaux AVEC et soutenu le projet de cette étude.
Introduction
Cette étude est une initiative du réseau AVEC 75 (Actrices-Acteurs Volontaristes pour l’Egalité des Chances entre les Femmes et les Hommes). Ce réseau créé en 2001 réunit des correspondantes et des correspondants des services déconcentrés de l’Etat et s’est élargi depuis cette date à d’autres institutions notamment des entreprises de Paris ayant reçu le Label Egalité1 ainsi que des associations. Les objectifs du réseau sont de développer une action en faveur de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes vers deux directions : la gestion des ressources humaines de chaque service de l’administration et les dispositifs d’intervention de ces services en direction du public.
Suite à différentes interventions de chef-fe-s de services dans les réunions du réseau AVEC 75 sur le thème de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’administration, il est apparu judicieux aux correspondantes et correspondants d’approfondir cette thématique. En effet, il s’agissait, à partir d’un questionnement, d’infirmer, de confirmer ou de nuancer si l’égalité de principe entre les agentes et les agents édictée dans l’administration était une réalité lorsqu’elle était étudiée dans le cadre d’une analyse de genre. C’est en ce sens que cette étude a été impulsée afin de se doter d’indicateurs pour proposer des pistes de réflexion ainsi que des actions à mettre en œuvre au sein même de l’administration.
Pour s’extraire des « lieux communs » et des stéréotypes habituellement pratiqués, il était nécessaire d’étudier au plus près le discours des agentes et des agents sur le thème de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des services déconcentrés de l’Etat. Qu’en disaient-elles et qu’en disaient-ils ? Comment était-elle pratiquée dans le quotidien des services ?
Dans une première partie, il a semblé opportun d’analyser les mesures et les statistiques proposées en la matière et ainsi avoir quelques éléments de comparaison au regard des discours étudiés.
Quatre autres parties composent ensuite cette étude afin de mieux cerner le vécu des agents et des agentes à partir de leur déroulement de carrière, puis de l’organisation du travail, des relations et de la communication au sein des équipes et des services selon l’histoire de ceux-ci et les habitus socio culturels des différentes administrations concernées. Enfin, une dernière partie étudie les discours ou l’absence de discours sur l’égalité entre les femmes et les hommes à travers les textes officiels et les instances représentatives.
L’approche choisie pour étudier les discours des agentes et des agents est de type sociologie compréhensive, c’est-à -dire, une approche qui n’a pas de prétention scientiste proclamant détenir une vérité sociologique absolue mais un travail rigoureux de recueil et de traitement des informations qui éclairent et permettent de mieux comprendre les phénomènes sociaux sans pouvoir, d’ailleurs, toujours les expliquer ou y remédier.
Le choix de nombreuses citations vise à permettre, au-delà des propositions d’analyse des auteurs, aux lectrices et aux lecteurs de se construire leur propre réflexion à partir d’éléments textuels nombreux, nuancés et organisés thématiquement.
Afin de rendre compte des résultats de cette recherche, nous avons privilégié le discours des actrices et des acteurs avec leurs nuances et quelquefois leurs contradictions. C’est pourquoi chaque élément d’analyse ou de constats est illustré par plusieurs citations tant pour apporter les nuances nécessaires à l’analyse que pour permettre au lectorat de construire ou de consolider ses propres réflexions à partir d’un maximum de citations issues du plus grand nombre d’entretiens et les plus diversifiés possibles en termes d’origine administrative. Origines diverses que la codification et les citations laissent d’ailleurs clairement apparaître. En d’autres termes, ce travail a pour ambition de faire de la lectrice et du lecteur une actrice-auteure et un acteur-auteur de leur propre compréhension des représentations et des discours à l’Å“uvre.
La méthodologie employée ne donne ni de quantification, ni de pourcentage car l’échantillon proposé est trop limité ce qui implique que la quantification n’aurait pas de sens et biaiserait la compréhension d’où notre choix de proportion approchée : majorité, minorité, nombre significatif, etc., quelquefois nuancée par un qualificatif : petit, grand, etc.
L’échantillon à présenter n’a pas de représentativité en tant que tel même s’il est construit à partir de critères tels que le sexe, l’âge, le grade et l’appartenance des agentes et des agents à des administrations différentes : 7 administrations parisiennes sont représentées et une quarantaine d’agentes et agents ont été interviewé-e-s (voir en annexe les répartitions).
Chaque interview a été enregistrée et a duré entre une heure et une heure trente. Un respect strict de l’anonymat a été pratiqué avec un codage des personnes et des administrations d’origine.
Le guide d’entretien (voir en annexe) a été co-produit entre l’équipe de recherche et les correspondantes et les correspondants du réseau AVEC 75 afin de s’assurer de la pertinence des questions. La méthodologie a été la suivante : élaboration collective du guide d’entretien avec des allers retours, prise de rendez-vous, entretiens, décryptage, analyse de contenu du discours, puis rédaction.
Autre choix méthodologique, autre parti pris, il n’y a pas de tentative de faire une analyse sexuée des propos (exceptée lorsque les propos, par définition, ne pouvaient être que « genrés »), les paroles de tous les interviewé-e-s se valent et prennent sens comme une unité dans un discours et une représentation collective. Certes, une analyse par genre eut été possible et peut-être productive mais elle aurait d’une part nécessité un échantillon différent et d’autre part, réintroduit des clivages qui, en l’état, ne nous apparaissent pas pertinents. Il en est de même  pour la non apparition des administrations d’origine ou du grade des agentes et des agents.
Cette étude se veut être modestement le reflet du discours sur l’égalité entre les femmes et les hommes d’agentes et d’agents des services déconcentrés de l’Etat à Paris et ne prétend pas être une « vérité absolue ». Néanmoins, elle peut être complétée par une étude quantitative qui permettrait d’approfondir et de corroborer les éléments et les indicateurs repérés. Elle doit introduire un questionnement à partir des pistes de réflexion proposées et impulser ensuite des actions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des différents services déconcentrés de l’Etat à Paris.
1 Le Label Egalité a été créé en 2004. Il est décerné aux entreprises ayant entrepris une démarche en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La procédure d’obtention du Label Egalité est validée par l’AFAQ-AFNOR.
Repères sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique
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Nous le verrons tout au long de l’analyse des interviews, l’une des questions centrales qui se pose concernant la place des hommes et des femmes dans l’administration publique est de savoir si l’équation « égalité de statut = égalité de traitement = égalité des chances entre les femmes et les hommes » est valide ou non.
Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes est mentionné dans l’ensemble des textes internationaux et prend une importance grandissante à partir des années 70 et l’organisation de conférences internationales sous l’égide de l’ONU. Au niveau européen, ce principe, qui figure dès le Traité de Rome de 1957, est réaffirmé dans le Traité de l’Union européenne de Maastricht en 1993 où l’égalité professionnelle reçoit la qualification de principe général de droit communautaire, puis par le Traité d’Amsterdam ratifié le 2 octobre 1997 par tous les Etats membres, lors de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie européenne pour l’emploi, et, enfin par le Traité de Nice, en 2001, où fut publiée la Charte des droits fondamentaux. Ainsi, 10 directives européennes ont été rédigées entre 1975 et 2004 pour rendre effectif ce principe d’égalité.
Sous l’impulsion européenne notamment, les administrations publiques françaises se sont, depuis la fin des années 90 dotées d’outils permettant, non seulement de favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi d’évaluer précisément les évolutions grâce à des statistiques sexuées.
L’étude de ces statistiques sexuées nous paraît être un bon indicateur avant d’analyser les interviews car l’enjeu est double :
– Il s’agit d’une part, de valider que le phénomène existe bien. L’une des difficultés rencontrées lorsqu’on aborde la place des femmes dans les administrations publiques, c’est cette impression que l’égalité est non seulement acquise, mais présente au quotidien. Les chiffres de cette première partie seront donc à mettre en perspective avec les réponses fournies par les personnes interrogées dans les parties suivantes. Certains chiffres viendront confirmer les réponses fournies. D’autres, au contraire, infirmeront les représentations. Il est donc conseillé d’effectuer un aller retour permanent entre les données statistiques et les interviews pour comprendre de quelle manière certains phénomènes sont appréhendés concrètement par les personnes qui les vivent.
– D’autre part, il s’agit aussi de connaître précisément les thématiques sur lesquelles il est important d’axer les mesures correctives. Les statistiques ont cette utilité de rendre le phénomène non seulement visible, mais aussi lisible et donc modifiable.
Ces lois, ces dispositifs, ces mesures ainsi que ces éléments statistiques permettront d’éclairer les propos et impressions des personnes interrogées dans les autres parties.
Rappel des mesures en faveur de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l’administration :
Sur le plan juridique, l’égalité est acquise et a même valeur constitutionnelle. Ainsi, le préambule de la Constitution française de 1958 « proclame son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et par le préambule de la Constitution de 1946 ». Et dès 1946 il est énoncé : « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».
Cependant, pouvons-nous considérer que l’égalité de droits fut immédiatement traduite dans les faits ? Les statistiques que nous étudierons montreront que si l’évolution de la place des femmes dans l’administration publique est réelle, il subsiste, dans nombreux domaines, de réelles inégalités entre les femmes et les hommes. D’où le renforcement légal et institutionnel pour rendre cette égalité effective.
Lors des dernières années, citons entre autres :
–       La circulaire du 6 mars 2000 du Premier Ministre qui demandait aux ministères de préparer des plans pluriannuels précisant le taux de féminisation à atteindre en fonction des statistiques sexuées montrant la situation des hommes et des femmes pour chaque catégorie. Cette circulaire du 6 mars 2000 encourageait chaque ministère à définir « les moyens de mise en Å“uvre pour atteindre les objectifs chiffrés, notamment en termes de formation et d’organisation du travail ». La fixation de ces objectifs était laissée à l’appréciation de chaque ministère, tout en étant guidée par le nombre de femmes présentes dans les « viviers » (les personnes qui présentent toutes les conditions requises en terme d’ancienneté et de niveau de qualification pour prétendre aux promotions). La DGAFP (Direction Générale de l’Administration de la Fonction Publique) est destinataire de ces plans pluriannuels. Elle remet alors un rapport tous les 2 ans au Parlement sur les mesures mises en place pour une démarche volontariste.
Les plans présentent de grandes différences d’un ministère à l’autre. Dans son 3ème rapport publié en septembre 2005, le comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques dont nous reparlerons ultérieurement distingue 3 catégories en fonction des mesures préconisées et du degré de volontarisme[1] :
–         Dans le 1er groupe, les plans comptent sur « les effets naturels » de la progression des femmes et les départs en retraite. Comptant sur le temps, ils prévoient peu de modalités ou de moyens d’accompagnement.
–         Dans le 2ème groupe, les plans s’appuient sur des mesures générales de modernisation de la fonction publique pour résoudre le problème.
–         Dans le 3ème groupe, figurent les ministères qui envisagent la mise en Å“uvre de moyens d’accompagnement spécifiques.
Une nouvelle circulaire est venue demander, en 2004, à chaque ministère de fixer des objectifs concernant la place des femmes dans leurs services. Les lettres du 29 mars 2004 adressées aux ministres identifiaient 5 catégories de mesures :
–         La formation et l’information,
–Â Â Â Â Â Â Â Â Â Les mesures statutaires,
–         L’organisation du travail,
–         Les nouvelles pratiques de nomination aux emplois supérieurs,
–         L’accompagnement des personnels et de leur famille.
–       Le 10 novembre 2000, le Comité pour l’Egal Accès des Femmes et des Hommes aux Emplois Supérieurs des Fonctions Publiques s’est installé sous la présidence de Monsieur Anicet Le Pors et, avec comme rapporteure, Françoise MILEWSKI. Nommé pour 5 ans, ce comité est arrivé au terme de son mandat en septembre 2005 et a soumis, lors de son dernier rapport le 20 septembre, 15 propositions au Ministre de la Fonction publique en prônant une culture du résultat.
Dans ses deux premiers rapports du 25 février 2002 et du 8 octobre 2003, ce comité a recensé les causes des inégalités :
–         Freins sociaux et culturels qui induisent des stéréotypes sur le rôle des hommes et des femmes et orientent par exemple différemment les filles et les garçons dans leurs études.
–         Freins organisationnels et structurels liés à l’inégal partage des tâches familiales, à l’organisation pénalisante du temps de travail pour les femmes cadres ou les agents à temps non complet.
–         Freins réglementaires qui handicapent les femmes du fait de leur plus faible ancienneté. Le statut peut ainsi créer des processus de discriminations, notamment lors de l’accès à des promotions ou aux emplois supérieurs.
A l’issue de ces 2 premiers rapports, Françoise Milewski déclarait : « il est donc faux d’affirmer que la fonction publique est moins inégalitaire que le secteur privé. Chacune des règles n’est pas en soi discriminatoire, mais elles produisent des effets cumulatifs au détriment des femmes fonctionnaires ».
Lors de la remise du 3ème rapport en septembre 2005, le comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique a émis 15 propositions :
–         Les auteurs préconisent notamment la généralisation de la règle exigeant au moins un tiers de personnes « du sexe sous représenté dans les jurys, les comités de sélection et les organes consultatifs » ainsi que l’affichage par le gouvernement de nominations de femmes, en particulier pour les emplois à la décision du gouvernement où elles sont peu représentées (11,9%)[2].
–         Les rapporteurs suggèrent également « d’organiser différemment le travail, en particulier son temps » en fixant notamment à 18 heures (sauf circonstances exceptionnelles) l’heure limite de tenue de réunions de service et en prenant en compte « les temps sociaux dans l’organisation du travail ». La compensation des déséquilibres de carrière, « en raison de sujétions liées à l’éducation des enfants ou à l’organisation de la vie familiale » est également préconisée : Il s’agit de construire des équivalences de carrière entre hommes et femmes en prenant en compte ces situations particulières.
–         Autre proposition : « étendre, harmoniser et suivre la réalisation des plans pluriannuels » d’amélioration de l’accès des femmes aux emplois et aux postes d’encadrement supérieur, qui ont produit jusqu’alors des résultats mitigés.
–         En matière de formation, le rapport recommande d’établir « des tableaux de bord statistiques dans toutes les écoles préparant à la haute fonction publique » en distinguant les candidatures, l’accès aux écoles, les affectations et les choix de sortie.
Il est aussi préconisé le développement de « formations à l’égalité » par le biais de modules sur ce thème en formation initiale ou continue et l’organisation d’actions avec l’ONISEP (Office National d’Information sur l’Enseignement et les Professions) ou le CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique), afin « d’améliorer l’attrait pour les femmes des emplois supérieurs de la fonction publique.
–         Le comité émet d’autres recommandations : pérenniser les tableaux de bord statistiques pour les emplois supérieurs, désigner un-e- délégué-e- interministériel-le- à l’égalité et développer le rôle de chaque coordonateur-rice nommé-e- dans chaque administration, étendre l’usage du féminin dans les noms de métiers, attribuer aux conseils supérieurs des fonctions publiques une mission d’évaluation de la politique d’égalité.
En conclusion le Comité appelle de ses vœux « une volonté politique forte » constatant que « non seulement la place des femmes est très faible dans tous les secteurs » mais que « l’évolution est très lente, discontinue, et parfois défavorable ».
–       La circulaire FP/3 n° 8231 du 5 décembre 2000 instaurait la présence de coordonnateurs et de coordonnatrices « égalité hommes / femmes » dans l’ensemble des administrations. Il s’agit d’interlocuteurs de la DGAFP contribuant à la réalisation des plans pluriannuels décrits précédemment. Elles et ils ont une mission d’animation au sein de leur ministère et de recueil d’information. L’objectif est également d’accentuer l’effet « réseau » afin d’échanger sur les bonnes pratiques lors de réunions annuelles avec la DGAFP.
–       Pour la fonction publique, la loi Génisson du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes[3] a fixé l’objectif d’une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans la composition des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l’avancement des fonctionnaires, ainsi que pour les instances paritaires (décret du 3 mai 2002).
–       La charte de l’égalité, signée le 8 mars 2004[4], engage les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les acteurs économiques et sociaux pour une égalité effective entre les hommes et les femmes, chaque employeur étant invité à formaliser des propositions d’actions et à évaluer leur mise en Å“uvre. Cette charte recense au total 300 actions à mener dans lesquelles les différents services de l’Etat sont partie prenante.
–       En 2005, le rapport de Dominique Versini sur la diversité dans la fonction publique[5] est venue rappeler la nécessité de passer « d’une égalité de principe à une égalité de fait ». Ce rapport demandé par le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, Renaud Dutreil, aborde la question de l’égalité entre hommes et femmes, aux côtés d’autres problématiques comme les personnes handicapées, les jeunes français issus de l’immigration ou l’origine sociale des fonctionnaires. Celui-ci confirme « la panne de l’ascenseur social » et propose de mettre en place « une stratégie nationale de la diversité ». 15 fiches actions sont proposées pour promouvoir l’égalité et la diversité dans la fonction publique. Parmi elles, « diversifier les dispositifs d’information, d’orientation et d’accompagnement en amont de l’entrée dans la fonction publique », « élargir les voies d’accès à la fonction publique » notamment en adaptant le contenu des concours et la formation des jurys.
[1] « Vouloir l’égalité, 3ème rapport du Comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques », La Documentation Française, septembre 2005 (disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr) – Synthèse dans la collection « Point Phare » publiée en novembre 2005 par la DGAFP, la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (disponible sur www.fonction-publique.gouv.fr).
[2] Sources : DGAFP- Bureau des statistiques, des études et de l’évaluation.
[3] Disponible sur www.legifrance.gouv.fr.
[4] Disponible sur www.femmes-egalite.gouv.fr.
[5] Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.
La situation des hommes et des femmes dans l’administration : que disent les statistiques ?
Depuis maintenant plus de 10 ans, les femmes sont majoritaires dans la fonction publique, y compris en catégorie A. Nous allons donc essayer d’apporter des éléments chiffrés sur un certain nombre de domaines qui seront, ensuite, reprises dans les interviews réalisées dans les 7 administrations parisiennes.
Les chiffres et analyses disponibles concernant la place des femmes dans l’administration publique émanent de plusieurs sources. Il s’agit notamment de :
– « L’encadrement supérieur de la fonction publique : vers l’égalité entre les hommes et les femmes. Quels obstacles ? Quelles solutions » – Rapport de Anne Marie Colmou remis au Ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat – Février 1999.
– Les statistiques de la DGAFP qui recense les plans pluriannuels en faveur de l’égalité rédigés par les ministères. Ces statistiques sont reprises également largement dans les 3 rapports publiés par le comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques entre 2000 et 2005.
– « L’emploi public s’est-il diversifié ? Sexe, niveau d’étude, origine sociale et origine nationale des salariés de la fonction publique » – Etude de Denis Fougère et Julien Pouget, complément au rapport de Dominique Versini : « La diversité dans le Fonction Publique », remis au Ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat en 2004.
– « Liberté, Inégalité, Fraternité : intégrer l’égalité professionnelle femmes / hommes dans la fonction publique territoriale » – Rapport de Evelyne Boscheron remis en 2005 au Conseil Supérieur de la fonction publique territoriale.
Les données fournies dans l’ensemble de ces recherches varient parfois quelque peu en fonction du point de départ de la recherche : S’agit-il de la fonction publique de manière générale (fonction publique d’Etat, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière) ou d’une des fonctions publiques parmi celles-ci ? Prend-on en compte tous les salarié-e-s ou uniquement les titulaires ?
En ce qui concerne cette étude, nous centrerons les chiffres et analyses sur la fonction publique d’Etat puisque les personnes interrogées en sont issues. Il s’agit principalement de données nationales. Nous essayerons autant que possible de les recouper avec les chiffres existants pour Paris, surtout quand des spécificités locales semblent être marquantes.
La place des femmes dans les emplois supérieurs :
Les chiffres les plus nombreux et précis abordent la thématique de l’accès aux postes à responsabilités, notamment grâce à l‘impulsion du Comité pour l’Egal Accès des Femmes et des Hommes aux Emplois Supérieurs des Fonctions Publiques qui a remis 3 rapports entre 2000 et 2005 sur la base des statistiques recensées par la DGAFP.
La place des femmes dans la fonction publique de l’Etat (au 31 décembre 2002) [1]
Â
Â
 |
Nombre de Femmes |
Total (hommes et femmes) |
% de femmes |
Total agents civil-e-s |
1Â 122 759 |
1Â 998 604 |
56,2% |
Militaires |
35 369 |
324 339 |
10,9% |
TOTAL GENERAL |
1Â 158 128 |
2Â 322 943 |
49,9% |
    – Dont titulaires |
997 991 |
1Â 739 145 |
57,4% |
 |
% de femmes |
Catégorie A |
56,6% |
Catégorie B |
64,1% |
Catégorie C |
58,5% |
Emplois de direction et d’inspection :
 |
Femmes |
Total |
% |
Emplois de décision du gouvernement |
66 |
502 |
13% |
Dont | |||
    – Directeurs et Directrices d’administration centrale et assimilées (1) |
35 |
188 |
19% |
    – Chefs titulaires de mission ayant rang d’Ambassadeurs |
17 |
174 |
10% |
    –   Préfets et Préfètes |
6 |
109 |
6% |
     –  Recteurs et rectrices |
8 |
31 |
26% |
Autres emplois des administrations |
367 |
2 753 |
13% |
Dont | |||
     – Chefs de service, directeurs et directrices adjoint-e-s, sous directeurs et sous directrices |
179 |
785 |
23% |
    –   Chefs de service d’inspection générale |
2 |
17 |
12% |
    –   Trésorier et Trésorière payeur général-e-s |
7 |
107 |
7% |
Chefs de services déconcentrés |
179 |
1844 |
10% |
Dont | |||
    – Emplois de direction de juridictions |
72 |
518 |
14% |
    – Dirigeant-e-s de juridictions nationales (2) |
3 |
33 |
9% |
    – Dirigeant-e-s de juridictions judiciaires territoriales (3) |
64 |
420 |
15% |
   – Président-e-s de tribunaux administratifs et cours administratives d’appel |
2 |
39 |
5% |
    – Président-e-s de chambres régionales de comptes |
3 |
26 |
12% |
TOTAL |
505 |
3 773 |
13% |
(1)         Directeurs et directrices, Secrétaire général-e- du gouvernement, Délégué-e-s interministériel-le-s
(2)         Cour de cassation, Conseil d’Etat, Cours des comptes
(3)         Responsable du siège et du parquet des tribunaux de grande instance et cour d’appel
Une féminisation relative de la fonction publique d’Etat sur les 20 dernières années s’est opérée puisque de 1982 à 2002, la proportion de femmes est passée de 55% à 57% dans la fonction publique d’Etat alors que l’évolution fut de 37 à 43% dans le secteur privé.
La progression la plus significative a été enregistrée parmi les cadres (catégorie A) où la part des femmes a atteint 57% en 2002 (17% des cadres du secteur privé en 1982 et 32% en 2002). Parmi les professions intermédiaires (emplois de catégorie B), elle est passée de 60 à 64%. Et dans les emplois de catégorie C, la proportion globale est passée de 56% à 60%.
Malgré cette féminisation, les femmes sont encore moins représentées dans les postes de direction même si l’on peut noter une progression dans le temps (34% en 2002 alors qu’elles étaient 16% dans les corps d’encadrement supérieur dans la fonction publique d’Etat en 1980).
De plus, on observe des différences importantes d’un ministère à l’autre. La parité est atteinte dans la catégorie A+ dans les ministères traditionnellement féminisés (Emploi/Solidarité, Culture, Justice). Les chiffres sont beaucoup plus faibles au ministère des Finances (22%), au ministère de l’Equipement (16%) ou au ministère de l’Intérieur : (13%).
Sur Paris :
A la DDASS, en catégorie A, 72% des agent-e-s sont des femmes.
A la Préfecture de Paris, l’ensemble des directions sont, soit majoritairement féminines, soit à parité. En revanche, dans la catégorie A+, les hommes sont majoritaires.
A la Direction des impôts, on compte 63% de femmes au total, 54% dans la catégorie A et 40% dans la catégorie A+[2].
L’augmentation est également plus relative dans les postes de décision. Il y a 12,1% de femmes représentées dans les emplois supérieurs (10,3% dans la fonction publique d’Etat, 14,2% dans les administrations civiles de l’Etat, 13,5% dans les juridictions, 7,3% dans l’enseignement supérieur et la recherche et 1,1% seulement dans la fonction publique militaire).
Pourtant les chiffres évoquant la proportion de femmes dans « le vivier » (celles qui présentent toutes les conditions requises en terme d’ancienneté et de niveau de qualification) montrent qu’il ne s’agit pas uniquement d’une difficulté de trouver des femmes « capables » d’occuper le poste. En effet, il y a 12,1% de femmes dans les emplois supérieurs alors que le vivier est estimé à 26,4% en 2003.
Services déconcentrés :   |
Administration centrale : |
|
Vivier 2001 |
22% |
29% |
Promotions 2002 |
12% |
24% |
L’ensemble des études et recherches en la matière évoque principalement 4 raisons :
– La question de la mobilité. Elle est, en pratique, une contrainte plus forte pour les femmes que pour les hommes, lorsqu’ils et elles vivent en couple. Les femmes ont tendance à favoriser encore souvent la localisation géographique de l’emploi du conjoint que leur carrière. Cela a alors des incidences sur la mobilité territoriale qui fait partie des critères de promotion (en 2002, elles étaient 21% des emplois de directions en administration centrale, contre 10% dans les directions déconcentrées).
– La résistance à nommer des femmes dans les postes de pouvoir et d’encadrement de gros effectifs. Le recrutement se fait principalement dans l’entourage. Les réseaux d’appartenance, en particulier les anciens des grandes écoles, jouent un rôle important. Quant aux nominations, comme on nomme de préférence les gens que l’on connaît, elles tendent à reproduire le système à l’identique et à instituer une véritable inertie.
–         Les postes laissés à la décision du gouvernement ne tiennent pas compte du vivier de femmes. La part des femmes est plus défavorable dans les emplois à la décision du gouvernement (11,9%) que dans les autres emplois (14,6%). Elle a également reculé entre 2000 (13,1%) et 2003 (11,9%). C’est le cas des emplois les plus prestigieux :
–   37 femmes directrices d’administration centrale sur 182 en 2000. 26 sur 185 en 2003.
–   7 femmes préfètes sur 107 en 2000. 6 sur 109 en 2003.
–Â Â Â 7 rectrices sur 30 en 2000. 7 sur 31 en 2003.
–   Seule la proportion d’ambassadrices a augmenté : 14 sur 167 en 2000. 21 sur 179 en 2003.
– 26 directrices d’administration centrale sur 185.
– 12 des 94 président-e-s d’université sont des femmes, et sur 27 établissements de recherche, un seul est dirigé par une femme[3].
– La question de l’âge dans le déroulement de carrière est importante : en effet, le vivier de personnes qui ont déjà exercé des responsabilités concerne la tranche d’âge des 30 – 45 ans, et c’est à cette période où les responsabilités familiales peuvent être pénalisantes. Après 45 ans, il est parfois trop tard pour « faire » carrière. Même si les femmes ont repoussé l’âge de leur 1ère maternité, et allongé la durée de leurs études, cela ne fait que repousser le moment où le conflit surgit entre temps privé/familial et temps professionnel.
L’exemple du ministère de la Défense[4] :
– 17,7% de femmes en 2003.
– 40% au niveau du personnel civil.
– 25% chefs de Service en 2003 (14 en 2000).
– 35% chefs de Bureau en 2003 (10% en 2000).
– 13% dans les effectifs militaires (7,5% en 1993), soient 47 000 femmes militaires (le taux le plus élevé d’Europe, le 2ème mondial derrière les Etats Unis).
– 11% de sous officiers, 10% d’officiers et 4% d’officiers supérieures.
La suppression presque totale des quotas de femmes dans les différentes fonctions a contribué à accélérer ce processus de féminisation. Pour y arriver, le ministère de la Défense a mis en place des actions pour favoriser la mobilité avec des cellules d’accompagnement vers l’emploi des conjoint-e-s et l’articulation des temps avec des actions dédiées à la garde des enfants, notamment avec la création de 2 crèches en région parisienne avec des horaires atypiques.
[1] Sources : DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l’évaluation.
La DGAFP édite également des documents de synthèses (« Les Points stats ») qui sont accessibles sur www.fonction-publique.gouv.fr.
[2] Sources : Bilans sociaux : DDASS 2005, Préfecture de Paris 2004, Direction des Impôts 2003.
[3] Sources : DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l’évaluation.
[4] Plan pluriannuel d’amélioration de l’accès des femmes aux emplois et postes d’encadrement supérieur du Ministère de la Défense.